mercredi 28 novembre 2007

Vayechev - Joseph ou le Juif Français

Oubliez Star Wars, voici la nouvelle trilogie !

Vayechev - Mikets - Vaygach, ce sont les 3 parachyot à venir qui, selon la tradition, sont liées parce qu'elles racontent en continu la même histoire: celle de la vente de Joseph par ses frères, la vie de celui-ci en Egypte, son ascension sociale (il est devenu n°2 !) et ses retrouvailles avec ses frères.

Notez bien que:
- Spielberg ne s'y est pas trompé, après "Le prince d'Egypte", il a racheté les droits au Tout-puissant et a fait pareil avec l'histoire de Joseph (Joseph, le Roi des rêves - copyright Dreamworks)
- Alors que dans Starwars (épisode V), Dark Vador disait à Luke: "Je suis...ton père !", Joseph dira plus tard: "Je suis...votre frère !"

Bon, mais en attendant le film, tournons-nous vers Joseph. Joseph ou le Juif Français.
Pourquoi le Juif Français ? Parce que toutes les questions que l'on peut se poser sur ce sujet (peut-on être Juif et Français, peut-on vivre un judaïsme authentique en exil, etc...) se trouvent posées dans la vie de Joseph.

Imaginez: lui qui vient d'une famille nombreuse d'un bled paumé, se retrouve esclave en Egypte (autant dire New-York ou Paris, bref le summum de la vie culturelle de l'époque), connaît peu à peu les fastes du régime, le luxe d'une société riche et les vertiges du pouvoir.
On dirait aujourd'hui qu'il est un Juif Français bien intégré !

Mais un évènement retient notre attention: Joseph était esclave à la maison de Potiphar, un haut dignitaire égyptien. Arrive un moment dans la parasha où l'on nous raconte que la femme de Potiphar, très attirée par Joseph, lui a fait un peu de "rentre-dedans".
Et le midrache nous dit que Joseph était à deux doigts de commettre l'irréparable (en résumé, il allait se la faire), lorsque la figure de son père lui est apparue: il se souvint de son éducation et s'enfuit de la maison de son maître.
Quelle force ce Joseph ! Un vrai "mensch" ! Ou, comme le disait Pirelli: "Sans la Maîtrise, la Puissance n'est rien". Vraiment ce qu'on appelle "un juste".

Sauf que les commentaires ne sont pas si cléments avec Joseph !
Exemple: on nous dit juste avant l'épisode fatal que Joseph était "beau de stature et d'apparence" (traduction inexacte).
Pourquoi nous dit-on seulement maintenant qu'il était beau ?
Pour tous les autres personnages de la bible, on nous le dit beaucoup plus tôt, histoire qu'on sache déjà à qui on a affaire !
Rachi, le français champenois, explique que Joseph s'était mis à adopter de plus en plus les coutumes égyptiennes: il a commencé à se coiffer à la mode égyptienne, à adopter les petites manies locales, et se laisser doucement emporter par la vie égyptienne, la Dolce Vita de l'époque.

C'est alors qu'il arriva chez la femme de Potiphar pour, dit le texte, "aller faire son travail".
Le Talmud discute de la nature de ce travail.
Rav (un des maîtres du Talmud) explique qu'il s'agit vraiment de son travail d'esclave.
Shmouel (son copain du Talmud) en revanche, explique qu'en fait il voulait assouvir ses désirs: c'était ça son travail.
On se rend compte que Joseph n'est peut-être pas si "clean" que ça. C'est un Juif bien intégré, mais qui finalement porte les valeurs de son pays d'accueil en oubliant progressivement son héritage originel.
Ce qui le sauve ? La figure de son père qui lui apparaît juste avant la catastrophe: il se souvient qu'il est le fils d'Israël et qu'il n'est en Egypte que pour accomplir la promesse qu'a faite Dieu à Abraham.
Toute la vie de Joseph, c'est ça: la tension entre être le fils d'Israël et être intégré à son pays d'accueil.
Joseph, c'est la figure du Juif d'exil par excellence tenté par des cultures étrangères.

La concordance de l'histoire de Joseph avec Hanouka n'est d'ailleurs pas anodine: c'est la même problématique. Le fait que le héros de Hanouka s'appelle Juda, comme le frère de Joseph qui s'oppose à lui n'est pas un hasard non plus...

Quelle leçon devons-nous en tirer ? Laissons la conclusion à une des commentatrices les plus célèbres de la Thora: Nehama Leibowitz.
Celle-ci est la soeur de Yeshayaou Leibowitz et donnait des leçons de Thora aussi limpides et profondes que pédagogiques. Elle était profondément juive mais aussi très inspirée de valeurs occidentales.
Sa conclusion sur ce commentaire est le suivant (adaptation libre): "Si Joseph a réussi à s'extraire de l'assimilation totale à la dernière minute alors qu'il était le fils de Jacob et que son héritage juif était extrêmement puissant, comment s'en sortira celui qui sait vaguement qu'il est juif grâce à quelques cours de Talmud Thora le dimanche matin de 10 à 13 ans ?"

Une, sinon LA mission des cadres de la communauté juive de France n'est-elle pas de faire réapparaître la figure de Jacob ses fidèles ?

jeudi 22 novembre 2007

Vaychlah - Dites Merci !

Direction le moyen-âge.

La grande mode du monde juif à l'époque, c'est d'essayer de réaliser le code de lois "ultime" où l'on pourrait trouver toutes les règles et toutes les décisions tranchées par les décisionnaires sur la pratique du judaïsme.
Plusieurs s'y sont essayés, le Smag, Maïmonide (dont la clarté et l'exhaustivité de son oeuvre sont inégalées jusqu'à aujourd'hui), le Rama, etc...jusqu'à un certain Rabbi Yossef Caro, qui en réalisant le Choulhan Aroukh a créé un véritable tournant.
Mais ce qui nous intéresse cette semaine, c'est l'auteur à partir duquel Rabbi Yosef Caro a bâti sa structure: le Tour (Rabbi Yaacov ben Acher).
Le Tour donc, explique la chose suivante: les 3 pélerinages obligatoires devant être faits à Jérusalem à l'époque du temple sont liés à nos 3 patriarches:
- Pessah est lié à Avraham
- Chavouot est lié à Itshak
- Soukot est lié à Yaacov

Pessah pour Avraham, on comprend: il a demandé à sa femme de faire des Matzots quand les anges sont venus le visiter, ce qui correspond à la vertu d'Avraham: la bonté.

Chavouot pour Itzhak, OK, c'est bon, car on raconte que le Shofar a été sonné au mont Sinaï lors du don de la Thora, Shofar qui symbolise le bélier qui a été pris pour sacrifice à la place d'Itshak au dernier moment (comme dans l'Arme Fatale, au moment où Riggs découpe le fil rouge (non bleu) quand le compteur est à 001...). En plus, Chavouot, c'est le don de soi pour servir Dieu, ce qui est exactement l'attitude continue de notre père Itshak

Soukot pour Yaakov, c'est plus compliqué. Quel rapport ?
Le Tour répond de façon lumineuse: "Comme il a fait des cabanes pour ses moutons et qu'il a appelé cet endroit Soukot, alors hop on a relié Yaakov à Soukot".
Super, il a fait des cabanes pour ses moutons. Fort bien. Un peu bizarre quand même.
Pourquoi appeler d'un nom spécial un endroit où on fait des cabanes ?
Le Orah Haim répond la chose suivante: c'était la première fois dans l'histoire de l'humanité que quelqu'un protégeait ses animaux.
Mais attention ! dit le Rav Bergman (le gendre du Rav Schakh), Yaakov n'a pas couvert ses animaux pour son propre intérêt parce qu'il pensait qu'il se ferait plus de tunes avec des moutons en bonne santé. Il l'a fait parce qu'il a reconnu les bienfaits que lui apportaient les moutons.
Oui, oui. Yaacov reconnaît que c'est grâce aux moutons qu'il gagne sa vie, alors il les protège en guise de reconnaissance. Yaacov, c'est le roi du "Hakarat Hatov". Il "reconnaît toujours quand un bienfait est réalisé".
Il reconnaît par exemple que son frère (Esaü), même si c'est un vrai blaireau, a toujours respecté ses parents comme aucun homme ne le fera jamais dans l'histoire de l'humanité.
Il va demander à son fils de s'occuper du bien-être des moutons car il reconnaît le bienfait apporté par ces bêtes.
La Thora de Yaacov, c'est de ne jamais être ingrat, c'est de toujours remercier lorsque quelqu'un, (ou même quelque chose !) nous apporte un bienfait.

Et là, on comprend mieux le rapport avec Soukkot.
Soukkot, c'est la fête par excellence où l'on remercie Dieu de nous avoir sorti d'Egypte et de nous avoir protégé dans le désert par des nuées. Comme l'a fait avant nous notre patriarche Yaacov....et comme on ne sait que très rarement le faire dans notre monde !!
Combien d'employés ou de membres bénévoles d'associations ne se sont jamais entendre dire "Merci" par leur chef pour tout le travail accompli ? Combien de personnes se sont-elles investies dans une association ou un mouvement sans qu'on ne reconnaisse le bienfait qu'elles y ont apporté ?

C'est là une des leçons de la paracha de la semaine:
- oui, il faut faire preuve de bonté et aider les autres comme l'a fait Avraham
- oui, il faut se donner à fond dans ce qu'on fait, comme l'a fait Itshak
- oui, il faut remercier ceux qui donnent , comme l'a fait Yaakov...
- et oui, un "travailleur" sera vingt fois plus motivé si on lui dit: "Merci c'était génial", que si on lui filait un chèque d'heures supplémentaires... !

lundi 19 novembre 2007

Vayetsé - Stairway to Heaven

Je ne pourrai évidemment pas commencer cet article hebdomadaire (posté en retard en plus !) sans vous renvoyer au commentaire de mon ami Benjamin sur la Paracha Vayetsé.

Vous verrez, c'est la classe, beaucoup plus rigoureux et clair que ce que je peux faire ici.
Le problème, c'est que comme il est très demandé, il ne fait qu'un article tous les 2 mois...mais quel talent !
L'adresse: http://www.jafi.org.il/cnef//judaisme/judaisme_vayetse.asp

Nous, on va plutôt partir du côté de l'histoire de l'échelle. Vous vous souvenez de Jacob ?
Il prend la bénédiction de son père et hop, il se casse ! Pendant 14 ans, nous disent les commentaires, Jacob est allé à la Yéchiva, a étudié jour et nuit et n'a pas dormi: oui, oui, je te jure, pendant 14 ans il a pas dormi ! (ils sont un peu tunisiens dans la Thora).
Bref, quelqu'un de sérieux. Et finalement, sur le chemin de son oncle où il est censé trouver une femme, il s'endort...repos bien mérité. Et c'est là que la Thora nous parle d'un événement qui a été commenté dans ses moindres mots, recoins et petits détails par : Jacob rêve.

Il rêve d'une échelle, d'une grande échelle, qui monte jusqu'au ciel et de laquelle 2 anges montaient et 2 anges descendaient.
Le Talmud (Houlin, 91a) explique la chose suivante: ils montaient pour voir la tête de Jacob dans le ciel, et descendaient pour voir la tête de Jacob sur terre.
Le Rav Soloveïtchik, le petit-fils du Rav Haim de Brisk connu pour son approche quasi-mathématique et scientifique de la halacha donne l'explication suivante: ce qui est étonnant chez Jacob, c'est que les 2 têtes de Jacob sur terre et dans le ciel coïncidaient !
Et les anges ont trouvé ça tellement merveilleux qu'ils n'arrêtaient pas de faire l'aller-retour !

C'est con des anges, non ?
D'autant plus qu'on ne comprend pas vraiment ce qu'il y a de si fantastique d'avoir sa tête en "miroir" dans le ciel !

Mais le Rav Soloveitchik explique ceci avec un concept bien connu: un homme naît sur terre avec des capacités et un potentiel qui lui est propre. A lui de le développer pour qu'il arrive au "top du top". Et ce n'est pas toujours facile...
Mais Jacob l'aurait apparemment réussi ! Ce que Jacob était sur terre était exactement ce à quoi il pouvait aspirer avec tous les atouts que le ciel lui avait donné.

C'est en fait la fameuse histoire qu'on attribue à des dizaines de rabbis différent: je la connais avec Rabbi Simha Bounam.
"Quand j'irai là-haut, on ne me demandera pas pourquoi je n'ai pas été Michael Jordan puisque je n'ai jamais su sauter plus de 10 cm. On ne me demandera pas pourquoi je n'ai pas été Einstein, j'étais nul en physique. En revanche, on me demandera des comptes: pourquoi n'as-tu pas été Simha Bounam, celui que tu aurais pu être si tu avais développé toutes tes capacités !".

Mais attention ! Un juif est toujours sur une échelle: une échelle, ça ne sert pas à se reposer ! Pour ça, il y a des canapés, des fauteuils, des rondins, etc…Une échelle, ça sert à monter ou à descendre.
Ce n’est pas pour rien que, selon le Midrach, Jacob vit en rêve Moïse tout en haut de l’échelle et Korah (cousin de Moïse qui voulut lui contester son autorité) tout en bas. Un Juif doit monter encore et encore. Sinon, il chute !
Ce qui peut être bien s'il arrive à remonter, mais l'essentiel, c'est de comprendre que la stagnation n'est pas une notion juive : « Tout celui qui n’augmente pas son savoir le diminue » disent les Pirkéi Avot.

Plus que la Maguen David, c'est peut-être l'échelle qui symbolise le mieux la vie d'un juif...

mercredi 14 novembre 2007

Le Marketing Mix raté du Consistoire de Paris

Le Consistoire de Paris va mal.

C'est un fait, notamment établi par son nouveau Président Joël Mergui. Il va mal d'un point de vue financier et organisationnel. Mais plus grave, il va mal du point de vue de son positionnement.




Comment en effet expliquer qu'une institution qui est censée représenter le judaïsme sur le plan cultuel passe complètement à côté des bénéfices apportés par le regain identitaire que connaît la communauté juive de France depuis déjà quelques années ?

Le cas n'est pas nouveau si on le transpose au monde économique: comment expliquer qu'AOL est une boîte en pleine déconfiture alors que les utilisateurs à Internet n'ont jamais été aussi nombreux ?

La réponse est la même: la stratégie et le positionnement sont mauvais.

Essayons de faire un modeste exercice de stratégie marketing appliquée au Consistoire de Paris, pour comprendre ce qui cloche.

Les préalables:

Avant d'appliquer la fameuse théorie des 4P (cf. plus loin), il faut d'abord définir notre base d'étude: quel est le "marché" que vise le Consistoire, quelle est sa cible et y a-t-il une segmentation possible ?

Le marché, c'est la Communauté Juive parisienne. Disons plus de 250 000 personnes.

Problème: cette population est extrêmement hétérogène et diverse. Alors que dans les années 50, le modèle du juif français traditionnaliste était plutôt uniforme, les années 90 ont fait exploser ce paradigme: entre radicalisation religieuse de certains milieux, l'impact de plus en plus grand d'Israël sur la vie de la communauté et la modification du rapport des juifs français vis-à-vis des institutions françaises de manière générale, le Consistoire n'a pas suivi.

C'est le premier problème du Consistoire: il ne sait plus à qui il s'adresse.

Les 4P:

Voyons ce qui cloche dans les 4P du Marketing Mix: Product, Price, Place, Promotion (Produit, Prix, Distribution, Communication).


Le Produit:

Qu'offre le Consistoire ? Pendant longtemps l'offre du Consistoire a été:

- la prise en charge de communautés synagogales
- le monopole sur l'abattage et la distribution de la viande cacher
- l'organisation des évènements de la vie (mariage, décès, bar-mitzva,...)


Le principal problème du Produit offert par le Consistoire aujourd'hui, c'est que son positionnement n'est plus adapté à son public. La preuve:

- Les communauté consistoriales sont aujourd'hui dépassées en dynamisme et en innovation par des communautés autonomes. Les Juifs parisiens d'aujourd'hui ne veulent plus aller à la Synagogue comme on va à l'Eglise. Qui a encore envie de prier dans une synagogue monumentale avec vitraux aux fenêtres et cantor limite kitsch ? Allons plus loin, est-ce que prier est la principale activité recherchée par les fidèles ?

Lorsqu'on voit les formidables activités péri-liturgiques organisées par des communautés indépendantes type Ohaley Yaakov (rue Henri Murger), des centres d'Etude type Alef ou Lamed, des communautés spécifiques du type MJLF ou Massorti ou encore les initiatives proposées par les CCJ, ces rassemblement de communautés sur un plan départemental, on ne peut que constater une certaine inertie dans certaines communautés historiques appartenant au Consistoire.

Bien entendu, le constat n'est pas univoque: à Neuilly, à Boulogne ou à Vincennes par exemple, la vie communautaire se défend bien. Mais ces communautés ont un atout principal: elles se trouvent dans des villes où le nombre de Juifs a augmenté ces dernières années. Mais j'y viendrai lorsque nous parlerons du deuxième "P": "Place".


Pour ce qui est de la cacheroute et de l'organisation des événements de la vie, le constat est tout aussi préoccupant.

Dépassé par une certaine radicalisation de la communauté, la région parisienne a vu fleurir nombre de cacherout concurrentes (Loubavitch, Rav Rottenberg,...) se positionnant comme étant:

- moins onéreuses que celle proposée par le Consistoire
- de meilleure qualité (glatt, Halak bet Yosef et j'en passe...)

Ca, c'est sur la viande. Sur les produits manufacturés, les cacherout ne se comptent même plus et il est de plus en plus compliqué de s'y retrouver entre les cacherout internationales (Suisse, Italie, Angleterre, villes obscures d'Israël) où le meilleur cotoie parfois l'escroquerie la plus évidente.

Sur la viande, en refusant une segmentation de la cacherout (Beth-Din, Glatt Beth-Din, etc...) qui aurait pu avoir un sens d'un point de vue halakhique (mais sur laquelle il aurait été effectivement très compliqué de communiquer), le Consistoire a laissé le champ libre à des cacherout concurrentes.
Conclusion: une perte financière importante qui se ressent aujourd'hui dans les comptes de l'institution



Sur l'organisation des mariages, Joël Mergui a récemment réagi en posant publiquement la question des cérémonies en Israël: ceux-ci grèvent une partie du budget du Consistoire puisque l'argent dévolu aux synagogues et aux traiteurs part en Terre Sainte sans possibilité pour l'ACIP d'en tirer un bénéfice. Dans une moindre mesure, les mariages dont la Houpa se déroule à l'extérieur (donc sans passer par la case Synagogue) posent un problème similaire.


Le décalage de positionnement est ici flagrant: qui a encore envie du tralala napoléonien pour se marier ? Pourquoi dépenser des milliers d'euros en France alors qu'une fastueuse cérémonie avec le soleil en prime coûte jusqu'à 3 fois moins d'argent en Israël ?

Dernier point: l'école juive a explosé en France. Plus de 30000 élèves sont aujourd'hui scolarisés en Ecole Juive. Le Consistoire avait-il vocation à s'engager dans l'éducation juive ? On peut le penser, même si le FSJU y a pris une part importante et qu'il est toujours difficile à ces 3 institutions que sont le CRIF, le FSJU et le Consistoire de travailler main dans la main.

Mais pourquoi avoir laissé le champ libre à des institutions telles que Ozar Hatorah ou le mouvement Habad sur ce terrain ? Manque d'ambition ? Manque de moyens ?

Bref, pour résumer, ce que propose le Consistoire n'est plus en adéquation avec les attentes de la Communauté juive de France.


L'emplacement:


Question: combien y a-t-il de communautés consistoriales dans le 16ème, 17ème et 19ème arrondissement de Paris, connus pour être les arrondissements les plus fréquentés par les juifs parisiens ?

Réponse: Zéro. Vous avez bien lu. Zéro pointé. Toutes les communautés de ces arrondissements se sont créées sans l'aide du Consistoire.


Dans le 17ème: Centre Rambam, Rue Barye, Centre Lamed. Autant d'initiatives issues d'un petit groupe de personnes qui n'ont pas senti l'avantage qu'aurait pu leur apporter un soutien du Consistoire.

Dans le 16ème: il y a bien sûr les communautés historiques de Copernic et de Montévidéo. Mais l'afflux récent de juifs dans cet arrondissement a produit une prolifération de nouveaux "mynianim" dans lesquels le Consistoire n'est jamais intervenu: Montévidéo séfarade, Avenue Victor-Hugo, Loubavitch, office tunisien rue St-Didier, rue Lekain, etc, etc...


Et puis le 19ème, quelle anomalie ! L'arrondissement qui concentre le plus de juifs parisiens, le plus de restaurants cacher, le plus de commerces juifs, n'a strictement aucune communauté consistoriale en son sein.


Jamais le Consistoire n'a voulu ou n'a pu travailler de façon proactive, par exemple en tentant de bâtir une structure consistoriale là où se trouvait un public. Ah si, il a été vaguement question d'un nouveau Centre Communautaire dans le 17ème....où en est-on ?


Conclusion:


Y a du boulot...si l'on veut encore croire à une institution telle que celle du Consistoire. Est-elle encore valide sous sa forme actuelle ?
Il est permis d'en douter.
Mais peut-être est-ce simplement le signe qu'une mutation est nécessaire pour mieux répondre aux aspirations spirituels des juifs français ? On ne peut que le souhaiter !



PS: Sur le Prix et la Communication (Promotion), je n'ai pas grand chose à dire. Si on se débrouille pour résoudre le problème du Produit et de l'Emplacement, on aura déjà fait un grand pas !

jeudi 1 novembre 2007

Hayé Sarah - Judaïsme et Ecole des Fans

"Lorsque vous entendez quelqu'un dire: "le judaïsme pense que...", alors attendez vous, dans 95% des cas à entendre une grosse bêtise !"
Cette affirmation pleine de bon sens trouve une superbe illustration dans la Paracha Hayé Sarah.
On y parle de plusieurs choses, notamment :
- de l'achat par Avraham d'un caveau à Hébron pour y enterrer sa femme, puis sa famille;
- de la recherche d'une femme pour Isaac par Eliezer, le serviteur d'Avraham;
- du mariage de Isaac et de Rébecca,
- et enfin, de la fin de la vie d'Avraham.

Avraham, nous dit le texte, qui s'est remarié avec Ketoura et qui a été enterré par Isaac ET Ismaël.
Ketoura, nous dit le midrach, c'est en fait Agar, la mère d'Ismaël qui fut en son temps chassée sur ordre de Sarah, la femme d'Avraham.

Jusque là vous suivez ? Sinon, regardez les Feux de l'Amour, c'est un bon entraînement...Toujours est-il qu'à la fin de la vie d'Abraham, Agar et Ismaël sont bien présents à ses côtés, ce qui semble prouver une certaine réconciliation entre les frères ennemis...

Mais les commentaires rabbiniques (le judaïsme, donc !) ne sont pas du tout d'accord sur l'objet de cette réconciliation !!
Avant de se plonger dans ces commentaires, tentons d'expliquer pourquoi c'est important:

Ismaël est assimilé par la tradition juive (et même musulmane) au précurseur, à l'inspirateur du monde arabo-islamique.
Toute l'histoire d'Isaac et d'Ismaël doit être pour nous une indication sur les relations entre le peuple juif et le monde arabe.

Attention, la Thora, ce n'est pas une boule de cristal: c'est l'histoire d'un peuple qui constitue un guide sur la façon de nous comporter envers l'homme et envers Dieu, quelles que soient les époques ou les générations.
Ce principe est résumé dans une formule: "Maassé Avot, Siman la Banim" -
"Les actions des pères sont un "Siman" pour les fils"

"Siman", c'est à la fois une boussole, un destin, un exemple et un signe, que nos ancêtres nous ont laissés. Le but n'est pas de vous dévoiler l'issue du conflit israélo-palestinien, mais de dégager une attitude adéquate vis-à-vis du monde arabe.
Et pour cela, il est impossible de ne pas explorer les textes, et en particulier celui de Hayé Sarah.
Alors que nous disent les commentaires ? Certains pensent qu'Ismaël s'est repenti.
En effet, il a été chassé par Sarah, avec l'agrément de Dieu, contre l'avis d'Avraham. La semaine dernière, Avraham a reçu une petite leçon de vie conjugale de la part de Dieu: alors qu'il hésitait à chasser Agar et Ismaël, Dieu (en personne) est venu lui rappeler un principe fondamental du mariage: "Kol acher Tomar elekha Sarah, Shema Bekola !"
Traduction libre: "Ne discute pas les ordres de ta femme !"

Les commentaires voient dans le retour d'Agar et d'Ismaël, le fait que celui-ci, qui disputait à Isaac la terre d'Israël et la descendance d'Avraham, a enfin compris une chose: celui qui accomplirait la promesse de Dieu, ce sera Isaac et ses descendants.
Rachi, par exemple, y voit une preuve dans le fait que le texte met Isaac AVANT Ismaël dans le verset disant: "Isaac et Ismaël enterrèrent Avraham".
Manitou est tout aussi catégorique: la fin de Hayé Sarah montre qu'un jour, après maintes disputes, Ismaël (donc le monde arabe) reconnaîtra enfin à Isaac (le peuple juif), le droit de s'installer sur la terre d'Avraham.

Mais nous avons d'autres commentateurs, qui sont d'un avis diamétralement opposé !
Parce que finalement, Agar et Ismaël, les pauvres, on les a carrément chassés dans le désert ! Alors qu'Avraham était pas super chaud !
Et on voit bien, dans le midrach, qu'Avraham est allé plusieurs fois leur rendre visite comme s'il avait quelques regrets !
Peut-être qu'Israël a une part dans cette dispute et qu'il doit assumer sa part de responsabilité en essayant de réparer l'injustice commise !
Les commentateurs y voient une indication lorsqu'ils constatent dans le texte qu'Isaac s'est marié avec Rébecca au même endroit où se trouvaient Agar et Ismaël lorsqu'ils ont été chassés de la maison d'Avraham.
Le midrach nous apprend qu'avant de se marier, Isaac est parti chercher Agar et Ismaël pour les ramener auprès d'Avraham et revenir sur l'expulsion dont ils ont été victimes.
De nombreux commentateurs se penchent sur cette expulsion et, sans tabou, remettent en cause certaines actions de nos patriarches: ceux-ci ne sont pas des Saints, ils ont leurs échecs comme tout le monde, mais leur attitude doit tout de même nous faire réfléchir.

Alors une fois qu'on a dit ça, il faut bien s'en sortir ! Qui a raison ? Faut-il lutter jusqu'à ce qu'Israël triomphe ? Ou bien, faut-il réparer les injustices commises envers Ismaël ? Si on se penche vers le Talmud, celui-ci semble se transformer en Jacques Martin (paix à son âme) : "Elou veElou divrei Elohim Haïm"
"Ces paroles-ci et ces paroles-là sont les paroles du Dieu vivant".
Tout le monde a gagné, tout le monde a raison !

C'est quand même trop facile, la Thora ce n'est pas l'Ecole des Fans: cette phrase du Talmud est plus subtile, elle vient nous dire que dans chaque interprétation de la Thora, il y a une vérité qui doit nous interpeller et que nous ne devons pas éluder.
Oserais-je faire un parallèle avec la situation actuelle ? La Thora et les commentateurs voudraient-ils nous dire qu'il ne faut sous aucun prétexte renoncer au droit existentiel du peuple juif à résider sur la terre d'Israël, tout en essayant de réparer les injustices qui ont pu être commises ?
Ou bien sous une autre forme: ce n'est pas parce que des injustices ont été commises, que le droit inaliénable d'Israël à posséder sa terre est remis en cause, comme semblent le dire certains ?

Toute la force de la Thora est là: c'est la dialectique et l'incessant dialogue sur l'interprétation qui donne à penser et qui éclaire la voie pour le juif d'aujourd'hui.